Parmi les articles publiés récemment en lien avec les bienfaits de la méditation lors d’épisodes stressants comme la pandémie de Covid-19, mon attention a été retenue par ces réflexions de Caragh Behan. Cette psychiatre irlandaise offre un regard panoramique, largement documenté (les références sont en bas de page) et enthousiasmant pour réduire l’anxiété qui peut tous nous guetter…

Résumé

La méditation et la pleine conscience sont des pratiques qui peuvent aider les professionnels de santé, les patients, les soignants et le grand public en période de crise, comme la pandémie mondiale actuelle causée par COVID-19. Bien qu’il existe de nombreuses formes de méditation et de pleine conscience, les professionnels de santé s’intéressent particulièrement à celles qui reposent sur des données probantes, comme la réduction du stress basée sur la pleine conscience (MBSR). Des examens systématiques de ces pratiques ont montré des améliorations dans les mesures des scores d’anxiété, de dépression et de douleur. Des modifications structurelles et fonctionnelles du cerveau ont été démontrées chez des personnes ayant une pratique de méditation traditionnelle à long terme et chez des personnes ayant suivi un programme MBSR. Les pratiques de pleine conscience et de méditation s’adaptent bien pour différentes populations, tout au long de la vie et quelles que soient nos capacités. L’introduction d’une pratique de pleine conscience et de méditation pendant cette période de pandémie a le potentiel de compléter certains traitements et constitue une méthode bénéfique et peu coûteuse pour apporter à tous un soutien en cas d’anxiété.

Introduction

Pendant la pandémie mondiale, nous avons tous dû changer notre façon de vivre et de travailler. Les soignants peuvent être débordés, préoccupés, anxieux, en proie à des difficultés et contraints d’adapter leur vie. Les patients souffrant d’anxiété, de dépression ou de psychose préexistante peuvent se sentir dépassés par des soucis ou des craintes supplémentaires. Les personnes souffrant de toxicomanie peuvent se tourner de plus en plus vers tout ce qu’elles peuvent obtenir pour gérer leur propre dépendance. Les soignants peuvent avoir une charge supplémentaire de soins avec une perte de temps pour eux-mêmes et une perte de soutien. Les ménages vivent dans des environnements sous pression, ils ne sont pas habitués à passer autant de temps dans des espaces réduits. Les enfants et les adolescents perdent la structure fournie par l’école et peuvent avoir leurs propres soucis et craintes, avec la perte de soutien extérieur à leur propre famille. Les personnes âgées ont été mises à l’écart et peuvent avoir perdu non seulement un soutien extérieur, mais aussi la perception qu’une fois que vous avez plus de 70 ans, vous êtes considéré comme vulnérable et inutile. Ajoutez à cela l’instabilité financière et l’instabilité de l’emploi et vous obtenez une structure de société qui est remise en question. Pourtant, malgré le désespoir, la peur et l’anxiété, on entrevoit un monde où le sens de la communauté et de la bienveillance s’est accru.

Méditation et pleine conscience

La méditation et la pleine conscience sont des termes qui se sont glissés dans la culture dominante. Ces termes sont souvent utilisés de manière interchangeable, mais il existe des différences subtiles entre les deux. La méditation fait généralement référence à une pratique formelle qui peut calmer l’esprit et améliorer la conscience de soi, de son esprit et de son environnement. La méditation sous ses nombreuses formes a été pratiquée au cours des millénaires par divers groupes de personnes dans de nombreuses traditions différentes. Autrefois pratiquée principalement dans les traditions orientales, la méditation s’est répandue dans la société occidentale et est de plus en plus utilisée comme une modalité thérapeutique. Le terme « pleine conscience » est devenu omniprésent ces derniers temps. La pleine conscience signifie simplement être conscient du moment présent. La méditation fait partie de la « pleine conscience », qui est un concept plus large. Les pratiques formelles de méditation comprennent, entre autres, l’attention à la respiration, la compassion ou la méditation axée sur l’amour bienveillant, l’utilisation de mantras ou de phrases comme point central de la méditation.

Chacune des différentes techniques de méditation repose sur une simple prise de conscience du moment présent. Être conscient de ce qui se passe dans le moment présent permet à l’individu d’observer ce qui survient et ce qui disparaît. En faisant cela et en permettant aux pensées d’aller et venir sans attachement, sans essayer de s’y accrocher, nous apprenons que le calme et l’immobilité s’ensuivent. Avec le temps, nous apprenons à connaître notre propre esprit et à prendre conscience des schémas de pensée qui surgissent habituellement. La clé est d’attraper doucement une spirale de pensées, un tourbillon ou un bavardage mental, et d’observer, en notant les « soucis », les « listes », les « envies », les « craintes », et de laisser la spirale s’estomper doucement, sans jugement. Parmi les techniques utiles dans les différentes formes de méditation, citons la conscience de la respiration (utiliser le souffle comme un ancrage au moment présent), la méditation axée sur la compassion (utiliser la bonté aimante et la conscience de la souffrance des autres et de la nôtre pour être dans le moment présent), le scan corporel (être conscient de chaque partie du corps à tour de rôle comme un ancrage au présent et pour les endroits où nous retenons la tension et le stress dans notre corps). D’autres formes de méditation comprennent l’utilisation de mantras ou de phrases pour focaliser l’attention sur le moment présent, ou la méditation marchée où l’accent est mis sur la conscience de nos pieds en contact avec la terre et l’ancrage au moment présent. Avec le temps, la pratique régulière de la médiation permet aux personnes de réagir à leur environnement et à tout ce qui se présente au cours de leur journée avec plus de calme et d’équanimité. Des études menées sur des personnes ayant médité sur le long terme montrent des changements dans les zones du cerveau concernées par le stress et l’anxiété (Afonso et al. 2020). Le cortex préfrontal, le cortex cingulaire et l’hippocampe montrent une augmentation d’activité, et l’amygdale une diminution d’activité correspondant à une amélioration de la régulation émotionnelle. D’autres études ont montré que des thérapies fondées sur des preuves, telles que la MBSR, montrent également des changements cérébraux similaires à ceux de la pratique traditionnelle de la méditation (Gotink et al. 2016).

Le terme « méditation » étant très large et ses utilisations thérapeutiques englobant de nombreux états, notamment la douleur, la santé mentale et les états somatiques, l’hétérogénéité de ces applications compliquent l’aspect scientifique des recherches. Récemment, de nouvelles études de meilleure qualité ont été menées, donnant lieu à des essais contrôlés randomisés et à des examens systématiques. Des pratiques telles que la MBSR et la thérapie cognitive basée sur la pleine conscience (MBCT) se sont développées à partir de pratiques de méditation formelles. Ces formats se prêtent plus facilement à la recherche fondée sur des preuves. Les deux programmes sont d’une durée de 8 semaines à raison de 2 heures 30 par semaine, avec un enseignement intensif d’une journée à mi-parcours et une pratique à domicile quotidienne. Le MBSR, développé à l’origine par Jon Kabat-Zinn dans les années 1970, adapte les pratiques de méditation formelles pour donner une approche plus généralisée de la pleine conscience, et le MBCT a ensuite été développé en mettant davantage l’accent sur la dépression en utilisant un mélange d’approches cognitives et de pleine conscience.

Les symptômes prédominants que nous observons actuellement chez nombre de nos patients, dans la société et en nous-mêmes sont liés à l’anxiété, l’accablement et le désespoir. Il s’agit là de séquelles naturelles de la pandémie mondiale, qui reste d’une durée incertaine. Des examens systématiques d’outils basés sur la méditation, tels que la méditation utilisant l’attention focalisée, la MBSR et la MBCT, ont montré une réduction de l’anxiété (Montero-Marin et al. 2019), de la dépression et du trouble de stress post-traumatique (Khusid & Vythilingam, 2016), du stress (Juul et al. 2020), de la tension artérielle, des niveaux de cortisol et d’autres marqueurs physiologiques du stress (Pascoe et al. 2017). La pratique régulière de la méditation peut également être bénéfique pour les personnes travaillant dans les services de santé (Lomas et al. 2018), en plus des avantages pour les patients, la population générale et les personnes souffrant de maladies mentales préexistantes. Les techniques de méditation sont faciles à apprendre, faciles à soutenir en ligne (Krusche et al. 2013 ; Chadi et al. 2018, 2020 ; Champion et al. 2018), peuvent être pratiquées individuellement bien qu’il y ait des avantages à une pratique de groupe. Les techniques de méditation peuvent être adaptées aux adultes, aux enfants, aux adolescents et aux personnes souffrant de handicaps intellectuels (Chadi et al. 2018 ; Singh & Hwang, 2020). Alors que la MBSR et la MBCT sont généralement enseignées en face à face par un professionnel certifié, l’utilisation d’applications de méditation et de propositions en ligne dans le cadre de ces interventions a fait l’objet d’un nombre croissant d’études (Champion et al. 2018 ; Huberty et al. 2019). Il existe un grand nombre d’applications de méditation, telles que Calm, Headspace et Insight Timer, que les gens peuvent utiliser pour soutenir leur propre pratique de la méditation. En période de pandémie comme Covid-19, ces techniques et d’autres peuvent être utiles pour aider les gens. Des études préliminaires montrent que la pratique de la pleine conscience est bénéfique pour les personnes dans des domaines tels que le sommeil (Zheng et al. 2020). Il existe également un certain nombre d’organisations qui offrent des possibilités de créer une pause dans notre vie, comme le Collège royal des médecins (#pauseforapoem), dont on dit qu’elles suscitent un certain intérêt et une certaine adhésion. Des lieux ayant des traditions bien établies d’enseignement de la méditation et de pleine conscience laïque ou non,  sans lien avec des soins de santé, tels que The Sanctuary et le Centre bouddhiste de Dublin, proposent des sessions d’apprentissage de la méditation en ligne à prix réduit ou gratuitement. On a constaté une forte augmentation de la participation à ces cours dans ces centres. Comme cette pandémie n’en est qu’à ses débuts, il existe peu de recherches évaluées par des pairs pour évaluer les effets de ces offres, mais elles sont certainement utiles, basées sur des études antérieures, et pourraient fournir des domaines d’intérêt fructueux pour la recherche.

Des crises telles que la pandémie de Covid-19 démontrent que le changement est la seule constante. La méditation de pleine conscience peut offrir une manière aidante de vivre avec ce changement constant. Les programmes MBSR déjà existants peuvent être adaptés pour une diffusion en ligne. Des applications de méditation et des cours en ligne peuvent être recommandés aux patients. L’apprentissage et la pratique régulière de la méditation ne peuvent que profiter à nos patients et à nous-mêmes. La méditation et la pleine conscience sont des compétences utiles qui peuvent nous aider à nous asseoir avec nos peurs, ce que nous vivons, et à observer que, comme nos pensées, cette période de notre vie aussi passera.

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