Lorsque nous pratiquons un sport, nous sommes généralement attentifs à nos sensations corporelles, atteignant parfois un état de flux caractérisé par un maximum de concentration, d’engagement, de satisfaction. Autant de signes qui laissent penser que le sport serait comme une méditation en mouvement. Dès lors pourquoi s’asseoir sans rien faire ? Simplement parce que l’intention est différente : la méditation permet de laisser de côté les objectifs, les réussites, les échecs, et ainsi être présent à ce qu’on vit, sans évitement. Le sport est parfois un exutoire qui permet de supporter le stress en le mettant à distance sans chercher à en changer les causes. C’est à mon sens une des grandes différences entre sport et méditation.

Dans l’article ci-dessous, Sasha Dingle, enseignante MBSR et sportive de haut niveau, partage quelques pistes de réflexion à ce sujet.

La ville de Jackson Hole (une station de ski du Wyoming) compte beaucoup d’athlètes – des sportifs du week-end aux professionnels de l’extrême. C’est le genre d’endroit où votre professeur de deuxième année est un coureur d’ultra-marathon et où votre médecin s’entraîne pour gravir l’Everest.

En tant qu’enseignante en réduction du stress basée sur la pleine conscience, je me promène dans cette ville relativement petite et je rencontre des gens qui savent ce que je fais pour vivre. Souvent, la première chose que j’entends, c’est : « Oh, mais je n’ai pas besoin d’une formation en pleine conscience. Courir, skier, grimper, faire du vélo, c’est ma méditation en mouvement. »

Dans l’ensemble, je suis d’accord avec cette réponse.

La conscience de soi et la précision mentale acquises au cours de mes années de compétition de ski et de VTT m’ont ouvert la porte de la pratique contemplative. La capacité à être présente me permet d’accéder à un état de flux et d’accroître mon aisance lorsque je pratique ces sports.

Plus qu’un substitut à la pratique méditative, je considère néanmoins le sport comme un moyen d’intégrer la pleine conscience et de faire face à « la  tourmente de la vie », comme la décrit si bien Jon Kabat-Zinn, le pionnier du MBSR : joie, allégresse, peur, paix, maladie, blessure, perte.

Mais le sport peut aussi être une bonne stratégie d’évitement.

Il m’est arrivé de passer toutes mes fins de semaine à la montagne, ignorant complètement le fait que ma carrière m’épuisait et que le stress qui en résultait avait un impact négatif sur mes relations et ma vie familiale.

Et plus d’un athlète a participé à un programme MBSR à la suite d’une blessure, incapable de fonctionner pleinement dans la vie quotidienne sans sa source régulière d’endorphines pour se sentir bien.

Pour de nombreux sportifs, l’expérience d’émotion positive, d’esprit concentré et de relaxation que procure le sport ne se traduit pas dans d’autres domaines de la vie. On pourrait penser que la conscience corporelle est la porte d’entrée naturelle vers la conscience de soi, car les deux sont situées dans la même région du cerveau, le cortex insulaire, mais cela ne semble pas toujours être le cas.

Le sport en soi n’est pas nécessairement une activité consciente, mais il peut être un excellent moyen d’explorer et même d’améliorer la pleine conscience. Le neuroscientifique Richard Davidson suggère qu’une activité physique en zone aérobie (d’intensité modérée) pourrait entraîner ce qu’il appelle une « aérobie contemplative », un moment clé permettant de stimuler la croissance de nouveaux neurones au niveau de l’hippocampe.

Qu’est-ce qui fait qu’une activité est une pratique de pleine conscience ? Et comment pouvons-nous utiliser la pleine conscience pour développer une relation plus profonde avec nous-mêmes dans le sport et ailleurs ?

Toute activité est une pratique de pleine conscience si elle intègre l’attention au moment présent – mais être présent ne suffit pas. Nous devons essayer d’être présent et bienveillant : être attentif à ce qui se passe dans notre corps et dans notre esprit sans porter de jugement sévère. Nous nous donnons la permission d’être avec les choses telles qu’elles sont, même si elles ne sont pas idéales.

Voici comment notre expérience du sport peut nous aider à développer une pratique de pleine conscience quotidienne :

1 – La pleine conscience est une question de pratique : c’est un entraînement à la présence et à la bienveillance. Lorsque nous fixons notre attention sur les sensations liées à la respiration ou aux sensations corporelles, il se peut que notre esprit commence à vagabonder. Il n’y a aucun moyen de « stopper » nos pensées (qui peuvent s’avérer des informations utiles sur notre expérience actuelle), mais nous pouvons nous entraîner à ramener l’attention à la respiration. Essayons de pratiquer sans jugement, sans effort. C’est ainsi que nous favorisons une attitude bienveillante, en « prenant soin de soi » comme il est souvent rappelé lors des programmes MBSR.

2 – La pleine conscience fonctionne mieux avec un programme d’entraînement. Nous pouvons entraîner notre esprit comme nous le ferions pour notre corps. Comme pour le sport, nous avons besoin de nous entraîner pour développer ces compétences. Pour développer la pleine conscience, nous avons besoin de quelque chose qui est familier aux athlètes : un programme d’entraînement. Il convient de choisir un moment de la journée adéquat pour s’entraîner à aiguiser notre attention avec bienveillance.

3 – Lorsque nous nous entraînons, nous pouvons cibler les domaines dont nous avons le plus besoin. Tout comme pour l’entraînement sportif, nous pouvons choisir des pratiques de pleine conscience particulières pour développer des domaines spécifiques. Les scans corporels et l’attention à la respiration peuvent diminuer la rumination. Les méditations d’amour bienveillant peuvent aider à établir des liens plus forts. L’observation des pensées durant la méditation peut augmenter notre capacité à prendre du recul. 

4- La pleine conscience pose les bases et aide à accéder à un état de flux. Comme le décrit mon collègue Pete Kirchmer, on accède pas à l’état de flux en forçant quoi que ce soit, il émerge plutôt « par accident ». « La pleine conscience aide à être plus prédisposé aux accidents ». En pratiquant régulièrement la méditation de pleine conscience, nous pouvons amorcer l’état de flux.

5 – La pleine conscience parle de voyage et des personnes rencontrées en cours de route. Elle permet de cheminer vers un bonheur durable. Il ne s’agit pas de gagner ou de perdre, il ne s’agit pas de réussir ou d’échouer. Il s’agit de se révéler, peu importe comment les choses se déroulent, remarquant ce qui se passe dans le moment présent et choisissant de le rencontrer. Nous vivons pleinement les moments joyeux et plaisants, tout en acceptant aussi quand les choses deviennent difficiles.

Source : https://www.mindful.org/sports-dont-make-you-more-mindful-actually/